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France Inter interview Hehop

Les applications au service des victimes de violences sexuelles ou sexistes fleurissent ces dernières années à la faveur du mouvement MeToo. L’application Hehop notamment permet de collecter des preuves (audio, photo, et vidéo) lorsqu’on est victime de violences conjugales, de harcèlement ou d’agression.

Comme dans “Hehop”, voilà la preuve ! Réservée aux personnes majeures, bientôt disponible gratuitement sur vos smartphones, c’est l’une des dernières arrivées sur le secteur et elle a reçu, l’an dernier, le prix de l’innovation de la Banque Européenne d’Investissement – tout ça pour dire que c’est à peu près sérieux.

L’idée est belle. L’application va permettre de collecter des preuves, audio, photo, et vidéo, lorsqu’on est victime de violences conjugales, de harcèlement ou d’agression. Quand on sait que 73% des plaintes pour violences sexuelles sont classées sans suite, aujourd’hui, en France, souvent faute de preuves, justement, on se dit que ça peut aider.

D’autant que le fonctionnement est assez simple

Vous êtes en danger ? Vous activez l’enregistrement, moyennant une commande vocale que vous seul connaissez et que, bien entendu, vous avez préalablement programmée – c’est mieux. La fonction photo vous permet ensuite d’attester de la réalité de vos blessures, la capture écran mentionnant également la date, l’heure, et le lieu de l’agression. Si vous êtes témoin, enfin, vous pouvez, de la même façon, filmer ce que vous voyez. Toutes ces données sont ensuite cryptées, et envoyées à un serveur externe ultra-sécurisé : vous pourrez donc y avoir accès même des années après, que votre téléphone ait été perdu, volé, ou cassé entre temps. C’est bien, parce qu’on sait le temps nécessaire aux victimes, dans ce type d’affaire, pour engager toute démarche judiciaire.

C’est moins bien, si on pense que cela suffit

Et c’est peut-être le défaut, toujours le même, des nouvelles technologies : abolissant le temps comme l’espace, satisfaisant nos désirs, mieux, les précédant, elle nous font trop souvent croire que tout, absolument tout, est à portée de clic, que tout est simple comme une pression du pouce. Rien n’est plus faux évidemment. Surtout face à la machine judiciaire. C’est une vieille dame, la Justice, et le numérique, elle s’en méfie un peu. Elle craindra toujours que ces enregistrements, ces photos, ces vidéos aient été trafiquées. Alors ça ne lui suffira pas. Bien sûr, ces éléments vont rejoindre ce qu’on appelle un faisceau d’indices, et c’est fondamental, mais à eux seuls, ils ne constitueront jamais LA preuve qui ferait basculer le verdict.

Une application comme Hehop peut être une aide précieuse, mais elle ne vous épargnera jamais ni la plainte au commissariat, ni la collecte de témoignages humains. Et c’est bien le problème avec toutes ces applis : mal utilisées, elles peuvent se retourner contre vous.

Comment s’y retrouver ?

À mon avis, le premier détail qui devrait faire tilt c’est : gratuite ou payante ? C’est un indice assez clair pour comprendre qui est derrière l’appli. Quand on vous fait payer, c’est qu’en général des entrepreneurs ont flairé le bon filon, se disant qu’à une époque où on n’a jamais autant parlé de violences sexuelles, ça allait se vendre comme des petits pains – ce en quoi ils n’ont pas totalement tort… Et ils vous monnayent de la protection de victime comme ils le feraient avec de la cosméto vegan : sans y connaître grand chose…

Résultat, certains vous proposent d’activer un bouton d’alerte, en cas de danger immédiat et vous mettent en relation avec des inconnus, qui eux, vont devoir juger si oui, ou non, il faut appeler les secours. Et ce, sans aucune formation préalable. C’est vous, moi, n’importe qui, qui, du haut de notre n’importe quoi, allons pouvoir décider s’il y a danger ou pas… Alors c’est très très personnel, mais moi j’aurais moyennement confiance.

Du côté des applications gratuites ?

Là, en général, vous avez plutôt des associatifs qui connaissent leur sujet sur le bout des doigts, qui ont donc conçu l’appli en fonction de ce qu’ils savent des victimes, des agresseurs, de l’agression

On est, là, plus dans l’intérêt général que dans l’enthousisme lucrative. D’où la gratuité. Le meilleur exemple, à ce jour, en est l’appli “App’Elles“, plusieurs fois primée, globalement saluée par les associations d’aides aux victimes.

Diariata N’Dyaye l’a mise au point après avoir travaillé sept ans avec l’observatoire des violences faites aux femmes, elle l’a imaginée main dans la main avec la psychiatre Muriel Salmona, grande spécialiste du sujet en France… À l’arrivée, c’est un bouton d’alerte que vous déclenchez soit grâce au bouton on off de votre téléphone, soit en arrachant vos écouteurs, soit grâce à un bracelet connecté. L’alerte vous met en contact avec trois proches – pas des inconnus, des proches, donc, préalablement choisis et avertis. Eux vont pouvoir appeler les secours, qui vont vous trouver d’autant plus facilement que l’appli vous géolocalise. Le suivi est également assuré : l’appli vous oriente vers des centres de soins, des hébergements d’urgences, des associations d’aide aux victimes. Conçue en 2015, “App’elles” connaît un beau succès et vient, par exemple, d’être lancée au Sénégal.

https://www.franceinter.fr/emissions/pas-son-genre/pas-son-genre-20-fevrier-2020